Dix semaines en Psychiatrie.

Mon stage en psychiatrie s’achève à la fin de cette semaine. Je me suis dis que ce serait bien de partager mon expérience avec vous tant que je suis encore dans l’action.

Je suis donc en stage en centre médico-psychologique (CMP) qui fait aussi centre d’activités thérapeutiques à temps partiel. Pour faire simple, c’est une structure extra-hospitalière qui accueille des patients atteint de troubles psychiatriques et qui sont stabilisés dans leur pathologie. L’idée du CMP est de permettre un suivi de ces patients dans leur environnement social, familial, bref près de chez eux. Les pathologies sont très variés allant de la psychose (schizophrénie, troubles bipolaires, etc…) à la névrose (dépression, angoisse, anxiété, etc..) entre autres choses.
Les patients sont donc stabilisés et viennent pour faire des entretiens médicaux ou infirmiers de suivi, parfois pour préparer leurs traitements ou faire faire des injections, partiper à des activités thérapeutiques (mandala, gym douce, sorties…), etc…

Je ne vais plus m’étendre sur les missions d’un CMP/CATTP parce que premièrement ça prendrait des pages mais surtout parce que je ne pense pas que cela vous intéresse plus que cela (bien sur, je peux me tromper et dans ce cas, je vous invite à me poser toutes vos questions en commentaires).
Cet article a plus pour vocation de vous faire partager mes impressions et mon sentiments par rapport à ce stage.

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Pour commencer, il faut savoir que mes à priori vis à vis de cette spécialité étaient énormes. J’étais convaincue que ce n’était pas fait pour moi, que j’allais m’ennuyer pendant dix semaines, que de toutes façons je n’allais pas apprendre grand chose. Bref, que j’allais perdre dix semaines de ma vie, que la psy au final, on aime ou on deteste et que de toutes façons j’allais détester.

Aujourd’hui, je vous dis ceci : HEUREUSEMENT mais HEUREUSEMENT que le stage de psychiatrie est obligatoire dans notre parcours de stage. Vous allez me dire que si il l’est, c’est pour une bonne raison mais honnêtement moi je ne voyais pas pourquoi.

Le stage en psychiatrie est le stage ou enfin on se détache de la technique pour apprendre à penser et à construire une relation et ce pendant un stage entier. Attention, je ne dis pas qu’en somatique, on n’apprend pas cela, bien sur que si, mais dans une dimension un peu moindre à mon avis tant les soins techniques occupent nos (mon) esprit(s).

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Pendant dix semaines, j’ai appris à construire une relation de confiance depuis le début. Il est extrêmement difficile de construire une vraie relation de confiance en psy parce que la plupart des patients se sentent persécutés, sont paranoïaques, manque de confiance ou de liens avec le monde réel, c’est la pathologie qui crée cela. Il faut donc aller au delà de la pathologie, des symptômes et construire petit à petit, sans forcer, une relation.
J’ai compris que cela commençait avant même le premier mot. Si vous arrivez vers quelqu’un en croisant les bras et en étant en recul, ce dernier va instinctivement se protéger (ce qui est normal), la relation part deja mal. Si vous arrivez en souriant et en tendant une main, alors peut être aurez vous une chance que la personne en face de vous se sente en confiance dès le début.
Surtout que moi, je les approchais pour savoir s’ils acceptaient que je fasse leur injection. Je vous laisse imaginer : une fille, que vous ne connaissez pas, de surcroît étudiante, qui s’approche de vous les bras croisés et à reculons, avec l’intention de vous piquer. Moi je vous le dit direct, je fuis !
En 10 semaines, j’ai appris, vraiment et avec réflexion, à communiquer, entrer en relation avec mes patients et ce malgré la maladie psychiatrique. Et évidemment que cela se transpose en soins généraux.

 

Ensuite, il  a fallu combattre mes représentations du genre : le malade psy est dangereux, il est fou, ils sont imprévisibles, ce genre de choses.
Oui, le malade psy PEUT être dangereux. Mais ce n’est pas la majorité des cas et de toutes manières, travailler en psy c’est être en vigilance constante.
Mais le malade psy est surtout MALADE et pire que tout (pour moi), il est malade dans sa tête, dans son esprit, dans sa personnalité.
Quand je vous parle de cœur, de poumon ou de foie, ça va c’est quelque chose de concret. On peut toucher, réparer, colmater un organe. Allez colmater une personnalité ou réparer l’esprit. Pas facile hein ?
Et bien, moi je pense que quand j’ai pris conscience de cela, j’ai commencé à vraiment entrevoir ce qu’était la psychiatrie et les difficultés de la prise en charge. J’ai et je ressens toujours énormément de peine pour ces patients. Ils me touchent et me font cogiter beaucoup plus qu’en somatique. Parce qu’en somatique, j’ai encore tellement à apprendre mais c’est tellement plus concret.
En fait , je pense que j’ai besoin de voir, de toucher, de comprendre une pathologie avec ses causes, ses effets, ses complications. En psy, on peut apprendre par coeur des tableaux cliniques, connaitre les particularités des pathologies et la façon de les traiter. Mais pour moi, cela reste très immatériel. Ou ça l’était…

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J’ai eu la chance de passer 15 jours en intra-hospitalier dans un service de psychiatrie adulte. Là, les patients sont souvent en pleine décompensation ou alors ils se remettent doucement. Là, c’est la maladie qui s’exprime. J’ai vu ce qu’un patient bipolaire pouvait vivre en passant d’une phase à une autre, j’ai vu la violence, j’ai vu le ton monter entre deux malades.
Pour la première fois de ma vie depuis que j’ai commencé cette formation, j’ai eu peur, vraiment peur, qu’ils en viennent aux mains et aussi pour moi. Ces deux patients qui s’engueulaient devant moi m’ont fait peur, de un parce qu’ils étaient tous les deux immenses, de deux, parce je réagis ultra mal à la violence et de trois parce que l’un avait défoncé un mur quelques jours avant.
Donc oui, sur le moment j’ai eu peur mais le ton est redescendu tellement vite à l’arrivée des infirmiers. En deux mots, ils ont calmés le jeu et ça s’est fini comme ça. Moi, je suis sortie un moment pour reprendre mes esprits puis je suis retournée avec eux car je savais qu’il fallait me remettre en selle aussi sec. La conversation a reprise comme si de rien n’était. Le soir, avant que je n’aille manger, l’un deux est venu me voir et s’est excusé pour son comportement, que ce n’était pas dans ses habitudes mais depuis quelques temps, il n’arrivait pas à se contrôler. Là, j’ai compris ce qu’était des troubles du comportement, les effets de la pathologies, et ses complications. Là, j’ai compris ce que c’était de bosser en psy.
Alors, oui, j’ai eu peur mais j’ai tellement appris sur moi et sur la psy à ce moment là, que je suis bien contente d’avoir eu peur, après tout c’est humain non ?
Ces deux patients sont ceux avec qui j’ai créé une vraie relation de confiance par la suite, ceux qui venaient me voir et qui me parlaient de la maladie, des traitements, de la vie dans le pavillon, des patients.
Ils n’avaient que quelques années de plus que moi et le reste de leur vie sera une suite sans fin de suivi en CMP, d’hospitalisation, de traitements, etc… Et le reste de leur vie sera compliquée car les représentations de la société sur la psychiatrie sont fondés sur des faits divers macabres, sur une vision arriérée des soins, sur une vision du fou et non du malade.

Avant, ces représentations étaient les miennes et maintenant je les regrette. Je suis contente d’avoir pu faire ce stage, d’avoir appris autant. Je n’ai pas perdu 10 semaines de ma vie loin de là et, chose que je n’aurais jamais cru pouvoir pensé un jour, je pense que la psychiatrie recroisera un jour mon chemin.

J’espère que cet article vous a plu, que pour ceux qui ne connaissent rien à la psy, cela a un peu changé votre vision des choses et que pour ceux qui connaissent je n’ai pas heurté personne. Il est très difficile de parler de psy, on a l’impression de marcher sur des oeufs. Mais je pense avoir assez bien synthétisé mon expérience.

A bientôt !

 

 


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