Covid 19 : Dans la tête d’une infirmière.

Hello,

Je vous retrouve en ce 14 avril pour un article comme je n’aurais jamais pensé en écrire il y a cinq ans lorsque j’ai ouvert ce blog. Mais je crois que j’ai envie de poser des mots sur ce que je ressens, sur ce qu’il se passe aujourd’hui dans notre pays, dans notre monde. Envie de poser des mots pour faire le tri dans ma tête mais aussi pour me souvenir. Pour que dans quelques années, lorsque nous aurons tous repris nos vies effrénées, je puisse me replonger dans cet article et me dire « Ha oui, c’est vrai, je ressentais ça.. »
Alors voila, nous sommes au jour 25 ou 26 du confinement, je ne sais plus, je ne tiens pas le compte.
Tout a commencé en janvier ou février avec cette nouvelle que je pensais lointaine : la région de Wuhan en Chine voyait sa population décimée par un virus microscopique.
Une information au milieu de toutes les autres.
Puis cette information a pris de plus en plus de place jusqu’à envahir les journaux en Europe parce que là, c’est nous qui étions concernés et notre population qui était décimée.
L’Italie, l’Espagne ont été confinés pour préserver les plus fragiles, pour sauver ceux qui pouvaient encore l’être.
La France, elle, a été confinée le 16 mars 2020. Cette date restera celle d’un tournant décisif dans le combat contre cet ennemi invisible.

Au début, je ne me suis pas sentie concernée. Je suis juste restée chez moi, confinée avec mon fiancé dans notre grand appartement rénové. Et surtout j’allais travailler tous les jours.
En tant qu’infirmière, le télétravail est impossible et aussi évident que cela puisse être, je suis allée au chevet de mes patients.
Oui mais voila, des patients dans mon service de chirurgie digestive, il n’y en avait plus tant que ça. Les opérations non urgentes ont été reportées, les patients non atteints du Covid19 ont été envoyés dans d’autres établissements.
Pendant près de deux semaines, nous avons attendus dans une fébrilité palpable qu’on nous envoie au front. Nous avons attendus ce raz de marée qui avait déjà frappé les régions Grand Est et Ile de France. Pourquoi eux et pas nous ?
Début avril, le couperet est tombé. Notre service a fermé et le sms fatidique est arrivé : « Acceptez vous d’aller travailler en réanimation et/ou en secteur Covid ?« .
Dans ma tête, le « Oui » a été fulgurant. L’occasion pour moi de découvrir la réanimation, de me sentir utile et d’amener ma pierre à l’édifice.
Mais je ne vis pas seule et si je suis prête à prendre ce risque, il faut que ma moitié le soit aussi. Il a dit ok, il m’a soutenu.
J’ai attendu deux jours avant d’avoir mon affectation. Deux jours très angoissants, à réviser tout ce qui me passait sous la main, à ne pas trop savoir ce qui m’attendait, à échanger avec mes collègues. Je pleurais en regardant les informations, persuadée que je n’étais pas prête à affronter en vrai les images que je voyais à travers l’écran. J’avais dit oui mais je ne savais plus pourquoi.
Puis, mon premier jour en réanimation est arrivé. Je tiens à préciser que je n’y allais pas en tant qu’infirmière. On m’avait bien expliqué que je serais faisant-fonction d’aide-soignante mais avec mes capacités d’infirmière.
Je ne me sentais pas prête pour autant.
Premier jour, premiers habillage/déshabillage : charlotte, lunette, surblouse, masque FFP2, tablier, manchette dans cet ordre ou pas, ça change un peu tout le temps… en fonction du matériel disponible. Premier patient intubé, première toilette et premiers soins. Moi qui suis diplômée depuis bientôt quatre ans, je me suis retrouvé à nouveau dans la peau d’une étudiante infirmière. Sauf que le lendemain, je devais être seule à m’occuper de mon patient avec l’IDE. Enfin c’est ce que je croyais.
Car dans ce métier, dans cette situation de crise, nous ne sommes jamais seuls. J’ai redécouvert des valeurs d’entraide, de soutien et de partage que je croyais disparues depuis longtemps. Plus de hiérarchie froide et distante, on est tous dans le même bateau, en guerre contre un ennemi invisible. On aide tous à notre niveau et jamais on ne laisse tomber.
A ce jour, j’ai fait 4 nuits de douze heures en réanimation secteur Covid et 2 jours en Soins Continus de Cardiologie.
Autant d’heures à travailler ensemble, à découvrir de nouveaux collègues, de nouvelles façons de travailler, de nouvelles personnalités.
J’ai aussi découvert une chose fondamentale : je suis profondément attachée à mon service de chirurgie, à mon équipe et à mon métier. Et cela, je me jure de me le rappeler lorsque je ne supporterais plus mes patients ou mes collègues.

A ce jour, nous n’avons pas vaincu le virus, la situation semble sous contrôle mais il me semble que ce n’est qu’une impression. Nous attendons la deuxième vague, nous attendons le déconfinement.
Nous avons parfois été élevés au rang de héros. Je ne me considère pas comme tel. Je ne me sens pas légitime. Nous ne sommes que des soignants au travail comme nous le sommes depuis si longtemps sauf qu’aujourd’hui les gens se rendent compte.
Je ne crois pas au renouveau du système de santé après cette crise. Je pense que nous n’aurons pas plus de matériel, pas plus de moyens, pas plus de personnels et encore moins de revalorisation de nos salaires.
Pourtant nous sommes et serons présents pour nos patients. Comme toujours.

Malgré tout, je suis reconnaissante pour le soutien de tous : les applaudissements, les paniers repas, les messages de soutien sont autant de témoignages de la solidarité de tout un peuple avec ses pairs.
Qu’ils soient soignants, ASH, secrétaires, caissières, routiers, agriculteurs…. et j’en oublie tellement !

A ce jour, cette expérience reste forte et déterminante. Je suis sortie de ma zone de confort, clairement à reculons mais je l’ai fait.
Franchement, le Covid19 nous apporte son lot quotidien de mauvaises nouvelles, de décès, de difficultés. On s’en serait tous bien passé. Mais cette épreuve fait ressortir la solidarité, l’entraide et l’espoir d’un autre monde et rien que pour ça, j’ai envie de me souvenir que de la pire des situations, le meilleur peut parfois se révéler.

Bon, cet article est déjà bien trop long et j’ai encore des milliers de choses à dire donc ce sera pour un prochain article.

Prenez soin de vous et de vos proches,
Restez chez vous surtout,

Et à bientôt !


9 réflexions sur “Covid 19 : Dans la tête d’une infirmière.

  1. Bonjour,
    Je suis enseignant et avec mes élèves confinés dans des immeubles, nous avons réalisé une petite vidéo pour remercier les personnes qui se battent pour nous en ce moment.

    Chapeau à vous toutes et tous !

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  2. Bonjour à toi ! Je suis étudiante infirmière et j’ai également été mobilisée dans l’hôpital de ma ville en réanimation. Je comprends ce que tu vis et je te rejoins sur le fait qu’on sent l’entraide entre tous les soignants dans ce temps de crise. Prends soin de toi !

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